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  Article de Aomar Sider Publié dans L.N.R  du 04/09/2001, sous le titre :

FRAGMENTS  DE  MEMOIRE

DE  L’ARTISTE  TAMANI.

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        Exceller dans un art vaut tous les honneurs, mais créer son propre art mérite encore beaucoup plus d’égards. "A quelque chose malheur est bon", dit l’adage. C’est en tout cas ce qui est arrivé à M. Tamani Achour qui a créé son art par pur hasard, suite à un accident (fracture de la main gauche) qui l’a muré chez lui.

      C’est de la "grainographie" (le terme est de nous) oserons-nous l’appeler puisqu’il parvient à dessiner ses tableaux avec exclusivement des graines (semences) de plantes. La méthode est, à notre connaissance, inédite et c’est aussi la ferme conviction de son auteur qui est allé déposer son brevet auprès de l’O.N.D.A* en y présentant ses tous premiers tableaux en 1987 ; deux ans de travail depuis son accident de 1985 qui lui feront découvrir sa vocation qu’il ne quittera plus jamais. C’est aussi en 1987 qu’il se fait connaître en exposant la première fois au forum d’innovation et de création de Boumerdès, où il obtint d’ailleurs une médaille d’or.

         Fort de cette distinction et profitant du temps libre que lui procure sa retraite, il se consacrera entièrement à sa trouvaille qui transformera pratiquement toute sa vie en lui donnant une autre jeunesse, lui qui a, à présent, 58 ans.

         L’âge n’est guère un handicap pour notre artiste qui nous dit être prêt à aller partout où on lui fera appel sur tout le territoire national. Aussi, cette envie de faire connaître son art l’a-t-elle conduit depuis 1988 à Souk-Ahras au festival des arts plastiques, à Alger pour l’artisanat traditionnel, à la fête du Tassili (Illizi), à Oued Souf pour sa semaine culturelle, à Maâtka pour la fête de la poterie, et dans bien d’autres manifestations nationales… Et tout dernièrement même, la télévision nationale s’est intéressée à son œuvre. Ce qui l’a bien évidemment touché. Seulement son rêve reste celui de tout artiste de valeur nationale : représenter l’Algérie à l’étranger.

       Son œuvre se compose de plus de 300 tableaux dont 4 de 1,40 m x 0,65 m de dimension. Les plus petits ont 30x45 cm.

         Un travail méticuleux qui nécessite beaucoup de temps et surtout de patience. Pour ce faire, plus de 80 sortes de graines ont été utilisées. De taille, de forme et de couleur différentes, ces graines sont collées sur du contre-plaqué entouré de latte.

        Elles sont ensuite vernies. La plupart d’entre elles sont des plantes sauvages, mais on y trouve aussi des graines de plantes potagères telles que l’oignon, la salade, le céleri, le cumin, l’anis… Chacune d’elles est choisie pour nuancer par exemple les couleurs des cheveux, de la peau, des instruments, ou barioler les vêtements de ses différents personnages. La thématique, quant à elle, est puisée dans le patrimoine ancestral avec ce qui le symbolise et toute la vie traditionnelle du milieu rural, telle celle vécue par l’auteur. D’où l’intitulé de cette œuvre Fragments de mémoire, qui lui convient fort bien. Parmi des dizaines de tableaux, on peut citer ceux montrant les travaux de champs ou des scènes domestiques. Ceux représentant des fêtes et des manifestations dont certaines sont à présent disparues, tel le convoi nuptial accompagnant une mariée vêtue d’un burnous sur un mulet, ou "anzar" (Dieu de la pluie qui est une coutume à laquelle les villageois ont recours quand il y a menace de sécheresse) que font les enfants.

        Des scènes que les jeunes n’ont jamais vues ni imaginées et qu’ils ne voudront surtout pas revivre, raison pour laquelle ils s’en détournent, car à chaque exposition, remarquera notre artiste, "seuls les intellectuels s’y intéressent vraiment, ce qui n’est nullement étonnant, vu notre vide culturel ambiant".

          Le travail occasionne beaucoup de frais, mais M. Tamani n’envisage pas de vendre ses tableaux, comme s’ils faisaient partie de son corps.

        Ceci dit, en passant en revue toute son œuvre, on décèlera un manque flagrant de proportions telles qu’au dessin d’enfants. Est-ce une limite ou délibéré pour imiter la peinture Dubuffet précurseur de la peinture brute  ou encore l’art naïf ?

         Mais nous sommes persuadés qu’il est autodidacte comme il le prétend du reste.

      Ainsi, nous lui reconnaissons ce mérite d’avoir inventé une manière tout à fait originale d’immortaliser les fragments de sa mémoire qui sont au juste un témoignage sur le vécu de la société algérienne en général et kabyle en particulier, d’une valeur culturelle certaine pour sa richesse et sa symbolique.

                                                                                                                               Aomar Sider

N.B. : Il continue jusqu'à présent d’exposer.

* Office National des Droits d'Auteur et des droits voisins

    

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Tag(s) : #Art culture tradition, #Sider Aomar
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