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"La colonne de la neige" Par Alain Lardillier 

Extrait du Mémoire Vive n°46 

Centre de documentation historique sur l'Algéri

          “Seize ans plus tard, le temps intervint à nouveau de manière décisive dans la conquête. Et cette fois les intempéries furent les seuls adversaires des soldats français.

 Cet épisode tragique se déroula au mois de février 1852, dans un rectangle dont les quatre sommets étaient Port-Gueydon, Azazga, El Kseur et Bougie, et situé dans la région montagneuse d'Azeffoun.

 A cette époque, au terme d'une opération de pacification, le général Bosquet, prit position dans le village de Taourirt-Ir'il avec mission d'ouvrir une route stratégique jusqu'à Bougie. En même temps, les troupes furent chargées de recouvrer les contributions de guerre et de réorganiser les tribus nouvellement soumises.

          Les travaux commencèrent le 4 février par un temps beau et doux. La guerre ne perdant pas ses droits, on fit le 8 février une razzia de 250 bœufs  dans une tribu proche.

          Afin d'assurer le ravitaillement des troupes, le général Bosquet avait fait partir une colonne de 400 mulets sous les ordres du chef du bureau arabe de Bougie, le capitaine Le Noble, pour aller chercher des vivres à Bougie. Elle prit le chemin du retour le 12 février et bénéficiant du beau temps, arriva le 13 à Torcha, sur la rive gauche de l'Oued Sahel (Soummam) où elle bivouaqua.

          Mais au cours de la nuit s'éleva brusquement une violente tempête de grêle et de neige, et la température devint glaciale. La colonne fut donc dans l'impossibilité de continuer sa route pour rejoindre le général Bosquet. La neige tomba sans discontinuer et les hommes ne parvinrent bientôt plus à dégager leurs tentes autour desquelles se dressaient des murailles de neige de 4 mètres de haut. Les bêtes n'eurent plus que la neige fondue à boire, et la situation ne permit que très difficilement l'abattage d'arbres pour se chauffer.

          Au camp du général Bosquet la situation devint alarmante car les vivres manquèrent rapidement, la viande des bœufs de la razzia s’épuisa. D'autre part, la tempête de neige ne s'apaisant ni la nuit, ni le jour, on ne pouvait espérer l'arrivée du convoi de ravitaillement.

          Le 21 février, Bosquet, après avoir pris l'avis de ses officiers, décida de partir vers Bougie le lendemain matin. Devant l'épuisement des hommes et des bêtes de somme, il ordonna d'abandonner sur place les tentes, les sacs et l'artillerie. Après une tentative infructueuse, on laissa même les caisses contenant les 300.000 francs en pièces de 5 francs, représentant la collecte des impôts.

          Le 22 février à 6 heures du matin, la colonne se mit en marche alors que la tourmente n'avait jamais été aussi violente. L'avant-garde du colonel de Wengi, commandant supérieur de Bougie, devait atteindre Torcha et s'y arrêter pour permettre, en cas d'amélioration du temps, à la colonne de se reposer. Mais cette avant-garde se débanda avant d'arriver à l'étape prévue. La plupart des soldats périrent ensevelis par la neige ou noyés dans les torrents. Les rescapés, le colonel de Wengi et une dizaine d'hommes, furent retrouvés par le caïd du village d'Amadan, et abrités chez lui.

          Pendant ce temps, la colonne du général Bosquet, en tête de laquelle le capitaine Faidherbe et un groupe de sapeurs ouvraient un passage, ne trouvant pas son avant-garde, dépassa le village de Torcha et s'égara. Dans le froid et la neige, le nombre des victimes s'accrut. Le général Bosquet, parcourant constamment la colonne, aidait les hommes tombés dans la neige à se relever et à repartir. Il parvint quand même à Torcha où il ne retrouva qu'une douzaine d'hommes de l'avant-garde. Ils continuèrent vers Bougie, mais à cause de la crue de l'Oued Torcha, la colonne gravit une hauteur et s'arrêta sous un caroubier pour passer la nuit. Pour résister au froid, les soldats restèrent debout les pieds dans la boue et  brisèrent leurs fusils pour faire du feu avec les crosses et quelques branches vertes du caroubier.

          Le lendemain, la tempête se calma enfin, et la troupe repartit en direction de Bougie. Arrivée à Amadan, elle retrouva le colonel de Wengi, à qui Bosquet fit de violents reproches, l'accusant d'être la cause du désastre. Ils arrivèrent à Bougie le 23 février vers 11 heures du matin, accompagnés seulement par une poignée d'hommes. Pendant les jours qui suivirent de petits groupes de survivants blessés ou éclopés regagnèrent Bougie. Beaucoup avaient survécu, grâce aux soins que leur avaient prodigués les colons ou les kabyles rencontrés. Un détachement du Génie fut chargé d'ensevelir les victimes.

          Le nombre des victimes fut estimé par certains à 600 environ dont la moitié était morte de froid.

          Quinze jours après, le général Bosquet regagna la camp de Taourirt-Ir'il où il ne retrouva rien de ce qui avait été laissé sur place au moment de la retraite. En particulier, il était important de retrouver les caissons contenant les 300.000 francs de la collecte des impôts.

          Des renseignements et des primes permirent d'identifier les Kabyles qui s'en étaient emparés, de les capturer et de les juger."

Article El Watan par Boualem B. , Le 07 décembre 2016 

Taourirt-Ighil : Billet retour sur la Colonne de la neige

 

Taourirt Igil, Le Tombeau de la Neige
Taourirt Igil, Le Tombeau de la Neige
Taourirt Igil, Le Tombeau de la Neige
Taourirt Igil, Le Tombeau de la Neige
Tag(s) : #Histoire
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