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Quand on veut s'informer sur la politique coloniale de la France en Algérie on a le choix entre beaucoup d'ouvrages qui traitent du domaine mais peu ont pensé à rédiger un résumé qui reprend uniquement les axes principaux, les dates et les événement clés de cet objet d'Histoire pour faire un document accessible à tout un chacun et surtout pour les écoliers. Quand j'en ai parlé avec Abbas, il m'avait répondu qu'il avait juste ce qu'il fallait et m'a envoyé cet article et son introduction. Bien entendu il autorise : lycéens, collégiens, blogueurs, citoyens ou toutes personnes à utiliser en partie ou en totalité son article avec l'amabilité d'en citer la source. Mohamed Tabèche

Cet article que je vous propose a été rédigé en 1993 pour le compte de la revue « Les dossiers de l'histoire ». Celle-ci, plutôt spécialisée dans l'histoire militaire, voulait changer de thème à l'occasion d'un changement de direction. On m'a proposé de rédiger un article sur « L'Algérie française de 1830à 1962» qui m'a séduit dans le sens où je me suis spécialisé sur la période et il était intéressant de faire un article de vulgarisation accessible au plus grand nombre.

Aujourd'hui, l'article mériterait d'être refondu et mis à jour par des travaux plus récents mais en regardant de près, j'ai pensé qu'il ne fallait pas le retoucher car il était suffisamment complet. Certains diront qu'il occulte beaucoup d'aspects de cette Algérie française mais il faut prendre en compte l'exigence de la revue.

L'Algérie française (1870-1962)

La présence française en Algérie débute avec le débarquement des troupes de Charles X sur les plages de Sidi-Ferruch en 1830. Les militaires assurent la conquête puis l'administration de la colonie. Ce territoire est jusqu'en 1870-1871 "le terrain de manœuvre de l'armée française" tandis que se façonne parallèlement une nouvelle Algérie, celle de la colonisation. La France cherche une politique algérienne qui puisse assurer la colonisation tout en tenant compte de la population musulmane. Les militaires essayent d'avoir de bons rapports avec l'élite algérienne traditionnelle en tentant d'établir un rapport d'intérêt mutuel. Mais, après la défaite de 1870 face à l'Allemagne, la IIIe République impose ses vues sur l'Algérie aux militaires, celles d'un destin commun pour les deux territoires. Le rêve d'une Algérie française commence dès lors.

En 1871, les Européens d'Algérie s'affirment plus républicains que jamais. Dès ce moment, les notables musulmans craignent la domination des colons dans le cadre de l'instauration d'un régime civil. L'un d'entre eux, El Mokrani, notable du centre du pays, provoque une insurrection qui sera réduite au mois de septembre 1871. Après cette révolte, la France coloniale va triompher en Algérie pendant longtemps.

La politique indigène

La société musulmane est profondément bouleversée après la révolte d'El Mokrani. L'élite algérienne résiste mal à la colo­nisation, notamment la bourgeoisie traditionnelle des villes, tandis que les grandes dynasties du sud du pays et les familles maraboutiques gardent une plus grande marge de manœuvre.

Au début du XXe   siècle,   l'élite algérienne se reconstitue lentement, souvent sur de nouvelles bases sociales. Parallèlement, la paysan­nerie s'appauvrit; les paysans algé­riens se voient dépossédés de leurs terres quand ils ne sont pas imposés très   durement par les   autorités coloniales.  L'exploitation agricole traditionnelle   pratiquée   par   les Musulmans résiste mal aux crises économiques   et   l'extension   des terres de colonisation laisse de moins en moins de place à cette forme    d'agriculture.    Ainsi,    la production de céréales s'effondre et le cheptel baisse considérablement. La politique indigène de la IIIe République n'a qu'un leitmotiv : l'assimilation. Les autorités mettent en place un "code de l'indigénat" qui donne aux administratifs des pouvoirs   répressifs   accrus.    La justice de la République française se substitue    au    droit    coutumier musulman sur le plan pénal. La religion musulmane est encadrée par l'administration ainsi, le pèlerinage à La Mecque est désormais soumis à autorisation. Afin de diviser pour mieux régner et de créer un "laboratoire de l'assimi­lation", les autorités coloniales mettent en place une politique kabyle en s'appuyant sur l'idée que cette partie de la population est plus facilement assimilable que la population arabophone. Un des pivots de cette politique est la tentative de francisation de la Kabylie. Mais c'est un échec, car la progression sensible de l'arabisation et les assises solides de la société kabyle gênent considérablement les efforts français.

La société coloniale

A l'échelle de l'ensemble du ter­ritoire, la politique de scolarisation n'a qu'un effet limité du fait des préjugés de la société coloniale, mais aussi des réticences des Musulmans. En 1890, seulement 2% des enfants en âge d'aller à l'école fréquentent les établis­sements scolaires de l'Algérie française.

La société coloniale se réorganise et pousse à l'assimilation. Les dif­férents gouverneurs généraux qui se succèdent contribuent à l'ef­facement progressif des militaires qui administraient jusque-là le pays. Administrativement, l'Algérie est rattachée à la France puisqu'elle forme trois départements mais aussi parce que les affaires algériennes sont gérées dans les ministères parisiens où les parlementaires représentant les Français d'Algérie sont très influents. La politique de colonisation prend de plus en plus d'importance. Dans un premier temps, on fait appel aux exilés d'Alsace-Lorraine et aux paysans du sud-est de la France auxquels on attribue 327.000 hec­tares de terres entre 1871 et 1882, Par la suite, c'est le développement de la colonisation libre : au total 1.468.000 hectares sont cédés aux colons et 1.721.000 hectares sont achetés aux Musulmans, à des prix souvent dérisoires. Très vite, les exploitations se concentrent afin de permettre les cultures spéculatives telles que la vigne ou le blé. Si les colons d'origine française forment l'ossature de la société coloniale, les populations du pour­tour méditerranéen viennent aussi s'agréger dans le tissu colonial. La situation de la communauté juive est quant à elle particulière. Sa présence remonte à l'Antiquité et se nourrit à plusieurs sources. L'assimilation des Juifs d'Algérie a commencé sous Louis Philippe. Le décret Crémieux de 1870 donnent aux Juifs la nationalité française, dès lors s'amorce un éloignement avec les Musulmans et une entrée dans "la cité française". Le colonat a de plus en plus d'influence entre 1870 et 1914. Les Européens d'Algérie radicaux et les groupes politiques autonomistes s'activent à la fin du XIXe siècle. Sur fond d'antisémitisme et de méfiance vis-à-vis de la métropole, ils obtiennent en 1898 des conces­sions significatives : d'abord, une assemblée élue, les Délégations financières, et, en 1900, un budget qui assure une certaine autonomie financière.

La Grande Guerre

La Première Guerre mondiale est un véritable choc pour l'Algérie, car les contradictions de ce pays vont se révéler et le faire entrer dans le XXe siècle au même titre que les différents belligérants. Il va se développer chez les Européens d'Algérie un sentiment commun, celui de l'appartenance à la nation française par le sang versé de 22.000 des leurs durant la Grande Guerre. Pour les Musulmans, ce conflit a une tout autre conséquence. Sur le plan humain, les Musulmans four­nissent environ 173.000 hommes de troupes dont 25.000 tombent au champ d'honneur. Parallèlement, 119.000 Algériens viennent travail­ler dans les usines de France pour remplacer la main-d'oeuvre métro­politaine; c'est la première géné­ration de l'immigration algérienne. Le mythe des bienfaits de la civilisation occidentale ne peut, dès lors, plus avoir prise sur les Musulmans. Cela entraîne une prise de conscience politique, car les jeunes Musulmans venus se battre pour la France et, surtout, les ouvriers algériens découvrent les luttes revendicatrices, la révolution d'Octobre en Russie et le "wilsonisme" et son droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Tous ces effets accumulés entraînent une nouvelle donne en Algérie, la France n'y répondra qu'à moitié dans 1'entre-deux-guerres. L'Algérie continue sa mutation amorcée depuis le début du siècle. Les Européens sont désormais au nombre de 800.000. La colonisation agricole reflue et les Européens deviennent un peuple de citadins. Les Algériens sont presque 6 millions en 1930. Chez eux aussi, l'urbanisation progresse, mais leur niveau de vie reste faible et leur droit à l'égalité, réclamé par l'élite algérienne, sans réponse. La France a l'occasion par deux fois d'entre­prendre des réformes politiques significatives.

La France face au nationalisme algérien

Le nationalisme algérien est le fruit d'une lente maturation et se développe peu après la Grande Guerre. Le principal mouvement nationaliste est à cette époque l'Étoile nord-africaine, fondé en France en mars 1926 et dirigé par un ouvrier immigré, Messali Hadj. Très longtemps soutenu par le Parti communiste français, il a l'indé­pendance de l'Algérie pour objectif. En 1929, ce parti, basé essen­tiellement en France métropolitaine, est interdit. Mais il se réorganise en 1933 et adopte plus tard la dénomination de Parti du peuple algérien (P.P.A.). Ses premières structures apparaissent sur le sol algérien en 1936, où déjà un courant réformiste existe sous trois formes. Il s'agit d'abord de religieux groupés au sein de l'Association des ouléma (docteurs de la loi), dirigée par Abdelhamid Ben Badis, dont le but est de "rétablir la foi dans sa pureté, mais aussi d'arabiser l'Algérie menacée de francisation". L'idéologie de l'association s'in­spire du panislamisme. Parallèlement, une élite francisée s'est regroupée au sein du mouvement Jeunes Algériens et prône l'assimilation. Les leaders de ce courant, le Dr Ben Djelloul et surtout Ferhat Abbas, jeune phar­macien formé dans les universités de la République, constituent, en 1927, la Fédération des élus musulmans. Leur audience restera faible jusqu'en 1936. Les com­munistes algériens composent la troisième force du réformisme. Nées en 1920, les trois Régions du P.C.F. se transforment en Parti com­muniste algérien en 1936, mais la stratégie du parti est toujours dictée par Paris, et oscille entre l'indépen­dance dans les années vingt et l'assimilation dans le cadre d'un front commun au moment du Front populaire.

Le premier conflit mondial oblige la France à repenser sa politique coloniale. Face à l'émergence des nationalistes, quelques hommes se distinguent afin de trouver des solutions à long terme. Le socialiste Marius Moutet s'exprime le premier à la Chambre des députés pour montrer l'insuffisance des réformes entreprises dans les colonies. Il prend position pour une repré­sentation des indigènes au Parle­ment. Son collègue, Edouard Soulier, dépose un projet de loi en 1924 allant dans ce sens. En Algérie, le mouvement Jeunes Algériens milite pour ces initiatives. Le gouverneur général, Maurice Viollette, en poste de 1925 à 1927, prend conscience de l'impasse de la non-représentation parlementaire de la population musulmane. En 1927, il est rappelé sous la pression des Européens d'Algérie lorsqu'il évoque la possibilité pour les Musulmans de voter avec les Français afin d'élire leurs parle­mentaires. En 1931, "Viollette l'Arabe", ainsi surnommé par les Européens d'Algérie, dépose un projet de loi qui donne la citoyenneté française à l'élite musulmane. En Algérie, il déchaîne les passions. Lucide et un peu désabusé, il prophétise, dans un livre intitulé L'Algérie vivra-t-elle?, l'impasse du raidissement colonial et son triomphalisme lors de l'Exposition coloniale de 1931, à Paris. La Fédération des élus musulmans, les ouléma et les communistes se regroupent en 1936 au sein d'un Congrès musulman à l'initiative d'Abdelhamid Ben Badis. Seuls les membres de l'E.N.A. (l'Étoile nord-africaine), farouches partisans de l'indépendance, ne participent pas à ce front. Les alliés de Ferhat Abbas demandent au Front populaire, qui vient de remporter les élections législatives en France, des réformes significatives, mais celles-ci sont jugées trop radicales par Léon Blum. Ce dernier propose alors, avec Maurice Viollette, le projet appelé "Blum Viollette", qui étend le corps électoral en Algérie aux indigènes "évolués", notamment aux anciens combattants. Une nouvelle fois, les Européens d'Algérie font bloc contre ce projet qui ne sera même pas discuté par les parlementaires. Dès lors, l'élite algérienne, en particulier Ferhat Abbas et Messali Hadj, peut avoir "le droit de revendiquer autre chose".

La Seconde Guerre mondiale

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les autorités coloniales décident d'interdire le P.P.A. de Messali Hadj et le P.C.A. Le contingent algérien participe encore aux combats en France, et l'Algérie applique les conditions de l'armis­tice après la défaite du printemps 1940. Vichy et sa "révolution nationale" ont très vite séduit les Européens d'Algérie. Les premières mesures prises par l'État français et mises en place par le ministre de l'Intérieur Peyrouton sont d'abolir le décret Crémieux de naturalisation des Juifs d'Algérie. Ces derniers, comme les Juifs de France, sont peu à peu écartés de la vie sociale. Vis-à-vis des Musulmans, l'État français se contente du statu quo, les autorités exilent Messali Hadj, qui a refusé de collaborer, et, quand Ferhat Abbas  écrit  au maréchal Pétain pour l'inviter à faire des réformes, on lui répond à peine. Avec   le   débarquement   allié   en novembre  1942,  les nationalistes profitent d'une dynamique nouvelle.  Les Américains et les Soviétiques    sont   réceptifs   aux revendications nationalistes, du moins   dans   les   textes,   et   les puissances coloniales, telles que le Royaume Uni et surtout la France, perdent le capital de prestige qui faisait leur force dans leurs colonies. Ferhat Abbas comprend vite qu'il y a une opportunité à saisir. Il écrit le Manifeste du peuple algérien  qui sert de plate-forme revendicatrice aux   nationalistes,    et,   pour   la première     fois,     réclame     une autonomie véritable à la puissance coloniale dans  un cadre fédéral. Avec les ouléma et les membres du P.P.A. clandestin, soutenu dans son exil par Messali Hadj, Ferhat Abbas fonde "l'Association des amis du manifeste". Les communistes, quant à eux, préfèrent se ranger du côté de la"France    combattante".    Le C.F.L.N., dirigé par de Gaulle, reste sourd aux propositions des Amis du manifeste et rejette la plate-forme de   Ferhat   Abbas.    Le    général Catroux,      nommé      gouverneur général, est chargé des réformes en Algérie.    En    mars    1944,    une ordonnance   est   signée   par   de Gaulle, qui élargit le corps électoral du collège musulman à tous les Algériens de 21 ans et l'ouverture aux emplois civils et militaires. Les nationalistes essayent en vain d'imposer  leur programme,   une partie d'entre eux se raidissent sur leurs positions et avancent l'idée d'une Algérie souveraine. En mai 1945, des manifestations spontanées dans la région de Sétif tournent à l'émeute et entraînent une centaine de   morts    dans    la   population européenne.   La   répression   qui s'ensuit   est   féroce,   et   fait  des milliers de morts chez les Algériens. Les chefs nationalistes sont arrêtés et emprisonnés. Les Européens d'Algérie sont satisfaits, même les communistes algériens se rangent derrière la condamnation des nationalistes. La France n'a gagné que dix ans avant que l'inéluctable processus de décolonisation n'entre dans une phase de conflit armé.

Le début de la fin

Le visage de l'Algérie des années quarante et cinquante est significatif du fossé qui se creuse entre les différentes communautés. « Deux Algéries » vivent côte à côte : l'une qui se modernise à l'instar de la métropole et l'autre qui arrive à peine à survivre d'une économie traditionnelle. La toile de fonds de ces années est celle de la guerre froide, de la décolonisation, d'une IVe République qui ne trouve pas son équilibre et d'un nationalisme plus ferme dans ses revendications. A partir de 1945, le nationalisme algérien prend en effet un nouveau virage. Le P.P.A. de Messali Hadj prend le nom de Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (M.T.L.D.) et garde plus que jamais sa ligne indépendantiste. Ferhat Abbas organise un nouveau parti, l'Union du manifeste algérien (U.D.M.A.), qui milite pour une autonomie de l'Algérie. Cette stratégie est partagée par les ouléma et le P.C.A. Les premières élections à l'Assemblée constituante permet­tent aux nationalistes d'y envoyer des députés. La France accouche difficilement d'une Constitution qui prévoit un nouveau cadre dans ses relations avec ses colonies, celui de l'Union française. C'est la nouvelle Assemblée nationale qui adopte en novembre 1947 le nouveau statut de l'Algérie, accepté par les Européens mais rejeté par les nationalistes. Ce statut est conservateur puisque les anciennes délégations financières se transforment en Assemblée algé­rienne élue par deux collèges électoraux avec pour seul pouvoir l'autonomie financière. Au prin­temps 1948 ont lieu les premières élections pour désigner les membres de cette assemblée. Le gouverneur général Naegelen organise une véritable fraude en faisant élire dans le collège musulman un maximum de candidats acquis à l'administration. Les nationalistes dénoncent ces manœuvres, qui se répètent jusqu'en 1954, mais les autorités coloniales restent sourdes à l'appel et n'offrent aucune chance d'évolution pro­fitable aux uns et aux autres. Dès lors, les nationalistes algériens durcissent leur discours, et Ferhat Abbas comme les communistes réclament l'indépendance au début des années cinquante. C'est à ce moment-là qu'a lieu un premier rapprochement entre les natio­nalistes pour fonder un Front algérien de défense et de respect des libertés démocratiques (F.A.D.R.L.). Ce dernier ne vit qu'une année, car deux lignes politiques s'opposent au sein du principal mouvement nationaliste, le M.T.L.D., celle des partisans du vieux leader Messali Hadj, qui veut s'appuyer sur des actions de masse et celle du comité central du parti, légaliste, qui refuse le culte du chef. Au sein de ce mouvement existent des activistes structurés au sein de l'Organisation secrète (O.S.). Démantelés dans un premier temps, ils fondent ensuite un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (C.R.U.A.) et préparent les actions armées du premier novem­bre 1954, qu'ils revendiquent au nom du Front de libération nationale (F.L.N.). Le but est de sortir, selon eux, de l'impasse du légalisme et d'obtenir l'indépendance par un mouvement armé.

Après la "Toussaint rouge", Le ministre de l'Intérieur, François Mitterrand, affirme que "l'Algérie, c'est la France", et envoie des troupes "pour maintenir l'ordre". Mais il est maintenant difficile pour la France de trouver une solution négociée, car, à force d'avoir fermé les portes, il n'y a plus d'inter­locuteurs.

Le temps de la guerre

Le F.L.N. s'organise très vite sur le territoire algérien ainsi qu'en métropole, malgré la lutte avec les partisans de Messali Hadj. La plupart des nationalistes algériens, dont Ferhat Abbas et ses amis de l'U.D.M.A., les communistes et les ouléma, adhèrent à titre individuel au Front en 1955-1956. L'orga­nisation du F.L.N. se compose d'une instance exécutive collégiale, de l'Armée de libération nationale (A.L.N.) et d'une délégation extérieure. La IVe République fait face à une guérilla qui s'intensifie de plus en plus. En 1955, les autorités coloniales tentent, avec le gouverneur général Jacques Soustelle, des réformes timides, mais qui justifient l'ancienne politique d'assimilation. Les Européens d'Al­gérie les refusent et se raidissent de plus en plus. En 1956, le socialiste Guy Mollet est président du Conseil, et la Chambre des députés dominée par un front républicain vote les pleins-pouvoirs au gouvernement. Dans un premier temps, le gouvernement Mollet reconnaît "la personnalité al­gérienne" et ouvre même des négociations informelles avec le F.L.N. Mais, devant la montée en puissance de ce dernier, la France donne la priorité à l'action militaire, le contingent est même rappelé. L'avion qui transporte la délégation extérieure du F.L.N., dont font partie Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Boudiaf, est détourné par l'aviation française. La pression internationale devient alors très importante, mais celle des Européens d'Algérie l'est plus encore. Ils ont le sentiment que le gouvernement prépare l'abandon de l'Algérie. Le 13 mai 1958, des activistes européens, appuyés par les militaires, forment un Comité de salut public réclamant un gouver­nement du même type dont le chef désigné serait le général de Gaulle. Les militaires français retrouvent ainsi, en Algérie, le rôle essentiel qui était le leur au début de la conquête coloniale.

De Gaulle et l'Algérie

L'année 1958 est pour le F.L.N. un tournant. L'échec de la bataille d'Alger annonce des difficultés militaires face à une armée française qui multiplie les opérations d'envergure. Le F.L.N. est de plus en plus déchiré. La principale victime est Abane Ramdane, qui dirige de l'intérieur la lutte armée et que ses adversaires au sein du front éliminent physiquement. Désor­mais, les Algériens vont miser sur la diplomatie et s'appuyer sur la Fédération de France du F.L.N. Un gouvernement provisoire, le G.P.R.A., avec à sa tête Ferhat Abbas, est mis en place, ayant pour stratégie d'internationaliser le conflit et de se poser en tant que représentant reconnu par plusieurs États afin d'être le seul interlocuteur possible face au gouvernement français.

Après avoir reçu les pleins-pouvoirs, le général de Gaulle va agir de manière subtile. Dans un premier temps, il rassure les Européens et les militaires lors d'une tournée triomphale en juin 1958. Mais, très rapidement, l'action du nouveau président de la Ve République se pose à contre-pied des espoirs des partisans de l'Algérie française. Lors de l'annonce du "plan de Constantine" en octobre 1958, qui doit permettre un développement économique et politique des Algériens, de Gaulle ne parle plus d'intégration de l'Algérie mais d'une association. Par la même occasion, il propose au F.L.N. la paix des braves, que le G.P.R.A. ne saisit pas. En septembre 1959, de Gaulle propose à mots couverts l'autonomie politique de l'Algérie dans une "union étroite avec la France". Les militaires et les Européens d'Algérie se sentent trahis par les décisions prises par le nouveau président. Des activistes provoquent des émeutes à Alger en janvier 1960. L'armée hésite entre le loyalisme envers la République et son chef et le soutien aux émeutiers. Les militaires dans leur ensemble se rangent derrière le général et les pourparlers avec le, F.L.N. commencent en juin 1960, mais tournent court.

La politique coloniale du général de Gaulle en Algérie, dictée par une vision à long terme et qui fut autant réclamée par les nationalistes que par des hommes lucides comme Maurice Viollette, survient trop tard. Les véritables négociations entre la France et le G.P.R.A. débutent à Evian en mai 1961 après le putsch avorté des généraux Salan, Challe, Jouhaud et Zeller à Alger. Les partisans de l'Algérie française n'ont plus qu'une arme : le terrorisme et c'est ainsi que se forme l'Organisation de l'armée secrète (O.A.S.) au printemps 1961. Les négociations d'Evian achoppent sur deux points : les conditions du cessez-le-feu et la question du Sahara. Le climat tant en France qu'en Algérie est tendu, l'O.A.S. multiplie les attentats sur les deux territoires et l'opinion publique française est de plus en plus hostile à cette guerre qui n'ose dire son nom. A Evian, les négociateurs aboutissent à un accord le 18 mars 1962, qui assure d'abord un cessez-le-feu puis l'indépendance de l'Algérie pour le 3 juillet, après un référendum dans un climat de violence inouïe, orchestré par les ultras de l'Algérie française. Durant l'été 1962, la quasi-totalité des Européens d'Algérie embarquent pour la France, laissant derrière eux cent trente-deux ans de colonisation. Le rêve d'une Algérie française est définitivement brisé.  

                                                                                     Auteur : Abbas Toumert   Avril 2009 

L'Algérie française (1870-1962)
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