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Mont mythique de l’extrémité Est du djurdjura, culminant à 1883 mètres d’altitude, haut lieu de pèlerinage (ziara ) de toute la Kabylie est l’endroit choisi pour la randonnée de ce vendredi 21/10/16. Situé à 5 kms environ du col de Tirouda, le chemin qui y mène est carrossable. Son escalade est très aisée, des escaliers puis un sentier bien tracé permettent d’atteindre sans difficultés la « Quba », sommet de ce mont. La vue est aérienne, d’un coté dominant la vallée de la Soumam, surplombant le village d’ Ath Mèlikech, ainsi que Tazmalt au loin dans la vallée. De l’autre coté, on domine tout le massif montagneux de Tirourda et les nombreux villages dont celui de Tirourda et Takhlidjt, village du célèbre Si Lhafidh, paix à son ame. La vue est circulaire et plongeante, un plaisir pour les yeux, on ne s’y lasse pas. Ce mont, selon la légende consacrée, a la particularité d’exaucer les voeux , notamment de faciliter le mariage pour les personnes qui ont des difficultés à trouver l’ame sœur. Pour les personnes à l’esprit critique, c’est plutôt le brassage de tant de personnes ( pélerins ) permettant des rencontres entre jeunes gens des deux sexes et facilitant ainsi les approches en vue d’une future union . Ce fait (brassage des populations ) dénote toute l’intelligence des « anciens » qui par ce biais (ziara) permettent aux jeunes gens de se rencontrer. En Kabylie , Azrou n Dhur demeure le mont qui exauce les vœux NB. Ne pas confondre « Dhur » (qui laisse voir) et Thor (horaire de prière).

Azru n Dhur

LGHOTTI NEKMOUCHE·SAMEDI 27 MAI 2017

Azru n Dhur, un belvédère, culminant à 1883 mètres d’altitude. Il offre une vue circulaire sur les beaux paysages de la région d’une part et d’autre part, c’est le mont qui exauce les vœux.. Je suppose que chacun des amis randonneurs a fait son vœu tout comme moi. Avec mes amis, cette année, j’ai vécu des moments magiques et merveilleux. J’ai aussi connu des personnes magiques et merveilleuses. Mon vœu sur ce mont, est de toujours garder un goût de miel, de ces moments et de ces personnes, ils occupent une place de choix dans mon cœur. Leur évocation est toujours un moment de pur bonheur.

Selon la légende consacrée, Azru n Dhur est le mont qui exauce les vœux. Les demandes sont multiples et diverses, faciliter une grossesse qui tarde à venir, demander guérison, apaiser des esprits tumultueux, réussir à un examen…. et surtout faciliter un mariage pour les personnes qui éprouvent des difficultés à trouver l’âme sœur.

Ce mont est visité à longueur d’année (ziara ). En été, de grandes cérémonies sont organisées, une ziara collective à l’occasion d’une wada, . Des bœufs sont immolés et des repas servis aux visiteurs. Les gens affluent de toute la kabylie. Il y a un brassage de la population, les visiteurs se côtoient les uns les autres et le contact entre jeunes gens des deux sexes est toléré, facilitant ainsi une approche pour une future union. Pour les esprits critiques, c’est plutôt ce brassage , qui facilite les futurs mariages et non Azru n Dhur qui exauce les vœux, à chacun sa lecture.

Revenons à notre randonnée, c’est avec un cœur gai et une allure gaillarde que nous prenons la route. Les tenues d’été sont sorties, demi manches et pantalons légers font leur apparition, seules les godasses de marche demeurent. Personnellement, j’ai découvert mon cou, c’est le coup de soleil, j’en ai souffert la nuit et le lendemain de la randonnée. En haute montagne, c’est encore le printemps, les sources sont productives, l’herbe est grasse et haute. Un vent léger et frais tempère quelque peu, l’ardeur d’un soleil plus que généreux. L e parcours est agréable, Du plaisir que de marcher en montagne. Lors de la pause-déjeuner, un jeune couple, avec un bébé de quelques mois, dans les bras de son de son pére,se dirige vers la Quba. Mohamed et moi, échangeons un sourire complice, nous pensons la même chose. « Enfin, le bébé est là, on vient probablement remercier Azru n Dhur d’avoir exaucé le vœu, d’une naissance, qui tardait à venir. »

Azru n Dhur, restera dans la mémoire collective, comme le mont qui exauce les vœux.

Azrou Ned hur _ par Idir Bouaboud. 

Mais que vénère-t-on à Azru Nedhur où chaque fin d’été des milliers de pèlerins, venus seuls ou en familles, de toute part de la Kabylie et d’Alger se rencontrent dans une ambiance festive ?

Nous savons que dans la culture des saints en Kabylie, ceux-ci n’étaient jamais des ermites au contraire ils étaient des gens très présents socialement, bâtissaient des villages et à leur décès enterrés dans des tombeaux. Nous ne connaissons pas de saint anonyme en Kabylie. Que célèbre-t-on à Azrou N Dhur alors? Serions-nous entrain de célébrer la sacralité d’une roche ou un quelconque personnage ? Il est clair que la litholâtrie (le culte de la pierre) et le culte des chefs furent des croyances paganistes connues depuis l’aube de l’Histoire en Kabylie et partout ailleurs sur le territoire berbère. Les grottes, les galets sphériques, les dieux lares (i3assassen) et plusieurs autres éléments de la nature étaient vénérés et sont restés ainsi jusqu’au jour d’aujourd’hui.

Azru Nedhur le dhur n’a aucun lien avec la prière musulmane de T’hor puisque le pèlerinage vers ce site est bien antérieur à la présence musulmane dans la région. Comme il est connu que la langue berbère appartient à la famille de langues dites chamito-sémitiques qui regroupe le copte, l’araméen, l’hébreu et l’arabe, il a été d’ailleurs très aisé pour les tenants de l’arabisation à outrance d’arabiser dans la forme plusieurs toponymies berbères, on est passé alors de d de D’hur : signifiant apparition ou réapparition à un autre mot T’hur qui évoque une prière. L’objectif est double : donner au lieu une connotation arabe et musulmane.

Rien de plus légitime donc que de plonger dans l’histoire et la tradition orale pour rétablir les faits. Il faudra fouiller dans la Kabylie d’avant les invasions musulmanes et l’histoire des cinq grandes tribus de Kabylie. Les écrits de l’historien grec Ammien Marcelin sont une mine d’informations sur la kabylie du 4ème siècle. 

À l’époque, Nubel était un roi puissant parmi les Berbères du centre de l’actuelle Algérie, il laissa en mourant sept fils : Firmus, Zamma, Gildon, Mascizel ou Igmazen, Dius, Salmacés, Mazuca, et une fille nommée Cyria. Chrétiens donatistes en opposition à l'église romaine, tantôt alliés des Romains tantôt ennemis jurés, la relation de Rome avec cette famille fut tumultueuse. Ammien Marcellin a pu exposer l’expédition qu’a mené le compte « Théodose » contre » Firmus« en 373 Jc (le fils ainé de Nubel, qui était à la tête des Quinquégentiens (les cinq tribus kabyles) qui s’opposaient aux autorités romaines. Devant cette menace, Rome dépêcha d’envoyer en Afrique son meilleur général de cavalerie, Flavius Theodosius. Le général venu à la tête de la légion Augusta de Tiklat (El kseur) rasa Petra de Fundus (Mlakou, Ighzer Amokrane), Ighil Oumced et Tablast (Tazmalt).

Firmus vaincu livra Alger aux romains et s’enfuie chez les Ath Fraoucen (une des 5 tribus) pour mobiliser ces troupes et solliciter l’aide de son frère Igmazen, qui malheureusement le trahit et a essayé de le livrer aux Romains. Firmus en homme d’honneur préféra se suicider sur les hauteurs de Tirourda, entre son territoire (vallée de la Soummam) et celui de son frère, du Djurdjura. Ce fut en l’an 375.

Une indication fort intéressante se trouve dans le livre de Claude Fabre Grande Kabylie : légendes et souvenirs page 153 et suivantes (édition année 1901). Un témoignage de la population locale montre l’endroit où Firmus a mis fin à ses jours en s’étranglant. 

Firmus quitta en fait à Alger pour se réfugier sur les hauteurs de la vallée. Sa réapparition eut lieu labas et sa disparition aussi d'où l'appelation Azru nedhur : Le rocher de la réapparition. Alors célèbrons Firmus !

Idir Bouaboud

Tag(s) : #L.Nekmouche, #Randonnées, #Mon village
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