Hommage aux amis du Djurdjura.
Pour tous ces défenseurs de la Nature, nos pensées se mêlent à celles que nous formons en pensant à des frères et à des compagnons d’"armes". Aussi, la maladie des uns et la perte des autres nous étant pénible en tant que membres en retraite de la famille du Parc, leurs proches nous permettraient d’unir notre douleur à la leur avec les sentiments de cœurs pleins d’affection et de sympathie.
Gaci Belkacem (Directeur du Parc National du Djurdjura de 1983 à 2004) Tabèche Mohamed, se sont joints à nous beaucoup d’employés du Parc afin de rendre hommage à :
Hamani Ferhat,
Protecteur-né de la nature et de l’environnement au riche parcours :
-1979, sorti de l’institut national agronomique, ingénieur d'état en pédologie, option cartographie
1982-1984 recruté par le secrétariat d'état aux forêts et affecté à la direction de la mise en valeur des terres
1984-1992 affecté à la sous-direction des forêts de la wilaya de Tipaza, occupait le poste de chef de bureau environnement
1992-2014 rejoignait l’équipe du parc national du Djurdjura, et y restait jusqu'à sa retraite. Il y était, durant 17 années à la tête du département de la préservation de la biodiversité et des sites naturels. Modèle d’ingénieur compétent et engagé, ses interventions lors des réunions ou de préparation de projets sont remarquables par leur pertinence, notamment avec un « sens aigu des réalités », ce qui est une denrée rare. Sa rigueur dans toutes ses démarches, sa combativité et sa passion ont permis d’établir les liens et les bases pour une sensibilisation à la valeur à donner aux actions de protection de la Nature auprès des administrations et des populations riveraines. Armé d’une conscience publique et d’une prévoyance sans égales, les leçons de protection de la nature qu’il semait, le suivi vigilant et le traitement méticuleux des dossiers qui lui sont confiés, sa patience et son humilité, son dévouement en pleine décennie noire, tout nous fait une loi de gratitude. Nous avons lieu d’espérer qu’il guérira et que nous ‘’randonnerons’’ encore ensemble en lanceurs d’alerte afin d’aider certains de cette nouvelle génération de ‘randonneurs’ laissés à eux-mêmes à ne pas se conduire en dérangeurs et/ou collectionneurs malveillants.
Tous nos encouragements et nos vœux pour ta guérison rapide Ferhat. Nous sommes certains que tu vas surmonter ce moment difficile. La lutte continue !
Aux amis du Djurdjura disparus
Survenue chacun selon la date de son destin, la disparition de ces militants, inlassables protecteurs de la nature et de l’environnement, laisse un grand vide à leur famille et au Parc national du Djurdjura, au sein duquel ils ont passé l’essentiel et le meilleur de leur vie plein d’expérience et d’actions au service de l’intérêt général.
Dahlal Djamel,
Opérant en qualité de Technicien chef d’antenne dans la région des Ait Ouabane et Ouacif, une zone très anthropisée du Parc National du Djurdjura, il plaçait les populations locales au centre de la logique de sauvegarde de son environnement. Il avait dû faire face à une recrudescence d’actes de braconnage, d’extraction de pierre et d’agrégats, de captage de sources et de surpâturage sans précédent durant les années 90. Il préférait désamorcer tout type de conflit en dialoguant, faisant preuve de compétences, de fiabilité et d'un sens aigu du service public.
Ces gardiens Issus des communautés villageoises du parc national passaient plus de temps au Parc qu’ils n’en passaient avec leurs propres familles. Ils étaient prêts à accomplir leurs missions de surveillance et de sauvegarde du Parc National à tout moment. Ils sont partis à des moments différents mais avaient tous la même flamme de défenseur. Ceux qui ont aidé à faire asseoir l’autorité du parc au démarrage, et ceux qui ont participé à le hisser au rang de Réserve de Biosphère en 1998.
Durant la décennie noire, ils risquaient leur vie pour défendre ce patrimoine : de la sauvegarde des forêts contre les incendies à la lutte contre les coupes illicites et le braconnage, le pâturage sauvage, la recherche illégale, et jusqu’aux relations avec les populations locales, la sauvegarde de l’eau et la sensibilisation des jeunes et d’une population pléthorique de visiteurs. Ils ont réussi à préserver le patrimoine durant le terrorisme et à entretenir un tissu social dans ces zones montagneuses très isolées.
Grace à leur dynamisme et aux programmes de développement du Parc, ils ont œuvré à faire rester des villages entiers plutôt que de les voir fuir le terrorisme irrémédiablement et partir peupler les grandes villes. Ils remplissaient pratiquement toutes les missions de service public en montagne à cette époque difficile.
Maameri Malek ; Latef Essaid Demmouche Lounis ; Benkacimi Abdallah ; Bensidhoum Med Said ; Boutaous Slimane ; Ait Allaoua Mohamed ; Menous Amarouche ; Tamazouzt Ahmed ; Bourai Ahmed (tue par des balles terroristes)
Mustapha Muller,
de son vrai nom Winfried Muller, d’origine allemande, nous publions, ci-dessous, un texte rédigé à sa mémoire. Il a rejoint très tôt les rangs de l’ALN jusqu’à l’indépendance sur le front Ouest. C'est une façon de lui rendre hommage que d'en retracer les étapes de sa carrière militaire. Il a aussi contribué activement à certaines taches au Parc National du Djurdjura après l’indépendance. C’est lors d’une visite avec ses amis à la moitié des années soixante-dix que Muller découvre le Djurdjura, qui lui rappelait le Tyrol, pays de son enfance en Autriche, pour ne plus le lâcher et y vivre sa passion : la protection de la Nature. Pour rappel le périmètre du Djurdjura a été déclaré Parc National par décret gouvernemental n°4874 du 18.12.1925 par l’administration coloniale, avec l’idée de conserver les écosystèmes qui s’étendaient sur une superficie de 16550 ha. Malgré sa qualité de périmètre classé, il n’a pas pu échapper aux destructions, incendies et autres dégradations pendant la guerre de libération.
Au balbutiement de la protection de la nature au milieu des années soixante-dix en application des accords internationaux ratifiés par l’Algérie, homme très introduit, il fut chargé du Parc du Djurdjura par le Secrétariat d’Etat aux forêts et la Mise en Valeur des Terres de 1978 à 1983 auprès des services des forets de Bouira et de Tizi-Ouzou. Autodidacte audacieux dont la seule ambition est de protéger la nature il ne cache rien de ses succès et de ses échecs.
Il débuta par l’introduction d’espèces exotiques de faune dont le bouquetin, le faisan et la perdrix grecque (la Bartavelle). Il aimait particulièrement appuyer à posteriori sur l'inopportunité d'opérations semblables. De même pour le sapin de Numidie et le pin noir à Tala guilef en dehors de la réserve d’acclimatation. Il installa des panneaux de sensibilisation, Il adorait parcourir les endroits rocheux, essentiellement calcaires, les grottes, à la recherche de fossiles et de morceaux de roches, de plantes qu’il faisait reconnaitre par des universitaires avec la détermination que nous lui connaissions. L’objectif était la connaissance et l’inventaire des richesses naturelles du Parc. Crée officiellement par décret présidentiel n° 83460 du 07 juillet 1983, le parc National du Djurdjura couvre 18550 ha à cheval sur les wilayas de Bouira et de Tizi Ouzou.
La gestion officielle des parcs débuta le 03 novembre 1983 après l’installation des Directions des quatre premiers Parcs Nationaux dont le Djurdjura, El kala, Theniet el had et Chréa . N’ayant pas le profil requis vis à vis de la fonction publique pour la qualité de directeur, une ’’ nomination pour ordre’’ d’inspecteur des parcs nationaux ne l’enchanta pas. Ce poste est inexistant et ne lui crée par conséquent aucun droit ni avantage pour sa carrière. Il se retira afin de poursuivre son combat avec d’autres moyens : Il s’attela à une action de vulgarisation du patrimoine naturel avec la télévision nationale en faisant réaliser des documentaires dont certains sur le Djurdjura et auxquels il associa le parc. C’était un homme de parole, d’action et de terrain, un militant qui allait au bout de ses idées et de ses convictions : ce protecteur infatigable, libre, intègre (et peu conventionnel) était un être sensible, simple (sans détours) apportant un soutien moral inconditionnel à la Direction du parc dans les moments de décisions de protection difficiles. Lâché par tous ceux qui jadis se bousculaient à son portillon alors qu’il était bien portant, seule la direction du Parc était à son chevet à la suite d’une attaque cardiaque qui l’a terrassé en fin d’année 1992.
Devant la solitude, la précarité de sa santé et la situation sécuritaire qui se détériorait, il se rendit chez un ami à Tamanrasset. Le deuxième malaise a eu raison de lui en Avril 1993. Sa mort afflige profondément tous ceux qui connaissent ses mérites et qui avaient reçu des preuves de sa bonté et de son zèle au travail et à rendre service. A nous plus qu’à d’autres, il a été donné de vivre avec lui des relations de respectueuses collégialité et amitié durant une douzaine d’années.