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"Éternel Mammeri" est le nouveau livre d’Amin Zaoui, sorti le 18 avril dernier. Dans cet entretien, l’écrivain revient sur l’idée du livre, son contenu et évoque d’autres sujets en relation avec l’amusnaw et la Kabylie.

La Dépêche de Kabylie : Un livre sur Mammeri, une sorte d'hommage pour son centenaire, comment vous est venue l'idée ?

Amin Zaoui : J’étais et je suis toujours un grand passionné de la littérature romanesque de Mouloud Mammeri, par sa profondeur sociale et son questionnement philosophique. J’étais et je suis toujours fasciné par la personnalité de Mouloud Mammeri, un intellectuel infatigable, en combat juste et permanent. Mouloud Mammeri, en tant qu’intellectuel actif, est un modèle pour moi, dans sa sagesse, son intelligence, sa vision prophétique et historique.

De cela, l’idée de ce livre m’est venue depuis sa mort tragique en 1989, parce que la veille de sa mort, nous étions ensemble à Oujda, au Maroc. J’ai réalisé en 1993 un documentaire sur lui, au compte de la télévision algérienne, avec la participation de mon ami l’écrivain et chercheur Abdenour Abdeslam et avec les témoignages de quelques citoyens de son village Ath Yenni et Taourirt Mimoune.

J’ai réalisé ce document aux moments les plus dangereux de l’Algérie des années du terrorisme, des années quatre-vingt dix. J’ai pris le risque et je suis venu d’Oran jusqu’à la Kabylie, dans une voiture banalisée, afin de faire mes enregistrements. Ceci dit, Mouloud Mammeri m’habitait depuis longtemps. J’ai trouvé en mon ami l’éditeur et l’écrivain Tarik Djerroud (Éditions Tafat) l’enthousiasme intellectuel et l’engagement dès le premier jour pour la réalisation de ce projet.

Pourriez-vous nous parler du contenu de ce livre ?

Eternel Mammeri est un livre collectif que j’ai eu l’honneur et la responsabilité de coordonner, où j’ai fait appel à la participation de trente écrivaines et écrivains, appartenant à trois générations, des universitaires et des créateurs. Je citerai, Ils sont : Tahar Djaout, Kaddour M’hamsadji, Karim Younes, Djoher Amhis-Ouksel, Amar Mezdad, Mohamed Lakhdar Mohamed Maougal, Rabia Djelti, Youcef Merahi, Leila Hamoutene , Brahim Tazaghart, Yassine Temlali, Dourari Abderrazak, Nassira Belloulara, Lazhari Labter, Abdenour Abdessalem, Abdelkader Bendameche, Med Cherif Ghebalou, Hamid Bouhbib, H’mida Ayachi, Salem Zenia, Mohamed Lahlou , Dihya Lwiz, Hacène Halouane,Slimane Ait Sidhoum, Aziz Fares, Mourad Brahimid, Djamel Alilat, Abdelhamid Kenouche, Tarik Djerroud et moi-même. Bref, je voulais ce livre comme une sorte de rencontre libre autour de Mouloud Mammeri, pour son courage, sa sagesse, sa prophétie, sa littérature, sa traduction, en somme pour son génie intellectuel.

La sortie du livre coïncide avec le Printemps berbère. Est-ce un hasard ?

La sortie d’Eternel Mammeri à l’occasion de la célébration du 37e anniversaire du Printemps berbère n’est ni fortuite ni accidentelle. On a voulu marqué l’hommage d’un homme de culture par la sortie d’un livre. Un homme qui a sculpté ce «Printemps berbère» le 20 avril 1980.

Le livre c’est aussi un rappel aux jeunes que, «si aujourd’hui le tamazight est une langue constitutionnalisée et officielle», cet acquis identitaire n’est pas descendu du ciel, mais c’est le fruit d’un long combat, dont Mouloud Mammeri fut le phare sur le plan culturel, linguistique, anthropologique et bien sûr politique.

Que pensez-vous justement de la distinction faite, à titre posthume, à Mammeri dernièrement par le président de la République ?

Cette distinction est venue un peu en retard mais pour nous, elle restera un geste qui renforce notre conviction qui est la suivante : l’avenir, comme l’Histoire, sont l’édification des peuples. Maintenant, nul ne freinera le cheminement de la réhabilitation de la langue et de la culture amazighes dans toute l’Algérie. Certes le chemin est encore long, mais ce qui a été réalisé est visible et sans détour.

Après l’officialisation de Tamazight, selon vous, quelle serait actuellement la priorité en matière de lutte ?

Avec l’officialisation de la langue amazighe, les élites : écrivains, universitaires, chercheurs, artistes, journalistes, politiques sont demandés à entamer une nouvelle phase de combat. Le renforcement de la recherche scientifique autour de la langue amazighe, la traduction, la création, le sauvegarde de la démocratie et sauver la Kabylie de l’islamisation.

Pensez-vous que l’islamisme menace la Kabylie ?

J’ai peur pour la Kabylie, l’islamisme est une menace réelle et criante dans cette région. L’islamisme, petit à petit, veut plier la volonté des enfants de la Kabylie. La Kabylie forte et démocratique est le socle de toute stabilité de l’Algérie moderne, l’Algérie de demain. Aujourd’hui ce n’est plus le pouvoir politique classique qui fait peur, mais ce sont les islamistes.

Je sens que la Kabylie a commencé à dégringoler dans l’obscurantisme et le fanatisme religieux. J’ai peur ! Les islamistes ont mis énormément de moyens pour infiltrer la société kabyle. Je peux citer un moyen qui joue un rôle important dans cette vague de l’islamisation de la Kabylie, ce sont les medias et à leur tête une chaîne connue pour son appartenance et sa ligne éditoriale islamiste, surtout dans sa version berbérophone.

Votre dernier mot…

Je pense que Éternel Mammeri, un intellectuel pas comme les autres est un livre de citoyenneté. Un livre qui pense et repense un nombre de problématiques qui sont d’actualité et du futur, tout en méditant sur la personnalité de Mouloud Mammeri en tant qu’intellectuel de terrain et de réflexion. Écrire ce livre est un hommage mais le partager en lecture est l’essence-même de cet hommage. Merci à toute l’équipe du journal la Dépêche de Kabylie.

Entretien réalisé par : Kamela Haddoum publié le 22 avril 2017 dans la Dépêche de Kabylie sous le titre «L’islamisme menace la Kabylie». Article copié de la page Facebook de Amin Zaoui

Amin Zaoui

Amin Zaoui

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Au pays d'Inch'Allah 

Par Amine Zaoui le 30 mai 2017 dans le journal Liberté 

Inchallah est une expression arabe composée de trois mots, qui signifie en français :  “Si Dieu le veut”. Inchallah est l’expression la plus utilisée dans le discours de cette nouvelle génération algérienne égyptianisée ou saoudianisée. Elle est utilisée à tort et à travers. Une locution importée d’Orient islamique. Dans le nouveau discours algérien, qu’importe le discours politique, social, scientifique ou culturel, après chaque phrase on entend sonner : “Inchallah” !
Nous sommes arrivés à un stade où tout le monde parle religieux. Toute la société est devenue fékiq, imam ou mufti. Tout est religionalisé ! Le mathématicien, à l’école, au lycée et même à l’université, parle comme quelqu’un qui puise ses équations mathématiques de la sourate el Fatiha. Il entame ses recherches pour résoudre un exercice mathématique toujours par “Inchallah” ! La dame de la météo voilée ou naturel, qu’importe, lit les informations données par le centre de recherche météo logiquement, et à la fin de chaque information elle n’oublie jamais de placer la fameuse expression “Inchallah” !  Le monsieur de la poésie classique ou moderne, qu’importe, prend le micro pour déclamer un poème, et avant de le faire il commence avec “Bismi Allah ar-Rahman ar-Rahim” comme se prêter à lire sourate Al-Koursi, ou encore “J’espère que vous allez aimer ma lecture, ‘inchallah’ !”  Le monsieur de la médecine moderne ou celui de roquia islamique, peu importe, dans leur discours ils sont jumeaux, identiques !
Ils nous parlent de leur science usant d’un discours de sorcière ; au début, au milieu et à la fin : inchallah !  Le monsieur de l’agriculture, le faux paysan ou le petit fellah, qu’importe, regarde le ciel et attend de la pluie, et dit dans une fainéantise absolue, les mains croisées, cigarette au bec ou une prise tabac chique chema sous la lèvre : “Que l’année soit bonne et balance Inchallah” !!
Monsieur le docteur spécialiste de la fécondité ou de la stérilité examinent la femme en lui disant “Vous aurez… Inchallah” !! L’artiste chanteur, avant de monter sur scène, ou dans un studio, avant de commencer son entretien ou son concert, il nous fait tout un discours entrecoupé par “Inch’Allah” ! La sage-femme ou la gynécologue de la maternité, entre les mains les résultats d’échographie de sa patiente notifiant un bébé fille, ose dire à la maman : “Un garçon inchallah” !
Tayyabat el-hammam, si quelques unes y sont encore dans beyt skoune du hammam du quartier, frotte le dos de sa cliente en disant : “Toute la saleté sera dégagée inchallah” ! Le taxieur dont le véhicule Symbol made in Algéria ou made in França est en panne, dit au passager : “Nous arrivons à l’heure” tout en balançant : “Inchallah” !
Le monsieur de l’autoroute, le  monsieur du café du coin, serveur ou consommateur, la  femme qui attend son fils ou son petit-fils devant la porte d’école, la femme qui prépare des m’sammanes, la femme de la classe qui ne ressemble en rien à une maîtresse d’école, la femme qui parle à la voisine à la station du bus, la femme qui fait la chaîne pour encaisser la retraite de son époux… tout ce monde ne bouge qu’avec Inchallah à la bouche ! Inchallah est aussi un service matrimonial, et voici Inchallah qui marie les célibats et les vieilles filles !
Inchallah est aussi une agence de voyage et une “Agence immobilière” !!!
Dieu n’est pas fellah, Il n’est pas médecin non plus, Allah n’est pas architecte, Il n’est pas commerçant non plus, Allah n’est pas un mécanicien de véhicule, Il n’est pas boulanger ou pharmacien non plus… Nous sommes au pays d’Inchallah (Si Dieu le veut) mais Allah ne répondra jamais aux appels des fainéants et aux hypocrites recroquevillés dans un discours religieux de paresse !
Dieu écoute ceux qui excellent dans la science, dans le travail, dans la création. Son cadeau pour  l’être humain c’est cette intelligence qu’il faut bien exploiter.  Inchallah d’aujourd’hui n’est plus Inch’Allah de mon grand-père ! 

                                                      A. Z.   aminzaoui@yahoo.fr

Tag(s) : #Articles de Journaux, #Portraits, #Biographies, #Hommages, #littérature, #At Yenni Beni-Yenni, #Mammeri
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