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"La défaite des Yenni est destinée à retentir dans l'Algérie tout entière"

    Les deux divisions bornent là leurs efforts et prennent camps dans leurs positions respectives. Le général Renault reste autour d'Ait-el-Hassem ; le maréchal s'établit au centre de sa division. Le général Jusuf occupe Ait-el-Arba et Taourirt-Mimoun. La crête et les villages principaux des Beni-Yenni sont conquis. Pour occuper leur territoire tout entier, il ne reste à prendre qu'un seul village facile à aborder et quelques hameaux, qui couvrent les contre forts inférieurs. La lutte réelle est terminée, quant à la tribu des Beni-Yenni. Contre toutes prévisions, malgré les obstacles du terrain, l'espace considérable embrassé par l'attaque, les préparatifs et l'attitude belliqueuse de l'ennemi, le succès du 25 juin n'a pas offert de dangers sérieux. L'ascension a présenté des difficultés : aucun village n'a été tout à fait abandonné sans lutte : mais il n'y a point eu de combat réel. L'ennemi ne s'est défendu qu'à peine et ne s'est présenté en forces sur aucun point. La première division a eu 4 hommes tués et 11 blessés; la troisième compte 3 tués et 24 blessés.
 

L'honneur de ce succès revient d'abord au chef de l'armée. Ses dispositions ont rendu la résistance incertaine et difficile. Devant les diverses colonnes, qui menaçaient directement leur territoire par plusieurs côtés, les Beni Yenni n'ont pas su où se concentrer utilement. Les deux divisions n'ont trouvé derrière les barricades et les positions formidables occupées la veille encore par des postes nombreux, qu'un ennemi irrésolu et dispersé, qui se retirait devant les premières compagnies de tirailleurs. La petite ville d'Ait-el-Hassem elle-même, dernier centre de la résistance, n'a coûté, malgré la force relative de sa position, qu'une perte minime. Les défenseurs dispersés de la montagne, troublés par l'arrivée de ce flot d'ennemis montant par tous chemins, craignant de se voir cernés dans les murs du village, sans retraite possible, n'ont pas osé s'y réunir. Selon toute apparence, Ait-el-Hassem n'a eu pour défenseurs que les plus obstinés de ses habitants, qui, avant d'abandonner le toit de leurs pères, ont voulu tenter du moins un suprême effort.

    La bravoure ardente des troupes, officiers et soldats, a décidé le succès préparé par les soins du chef, et n'a laissé nulle part à l'ennemi le temps de concentrer une résistance. Les deux divisions sont montées à l'assaut sans hésiter, sans s'arrêter, comme d'une seule haleine. L'artillerie de la 3° division a foudroyé utilement l'un des villages. Presque tous ses coups, portant en plein dans les maisons, ont fait prendre la fuite aux quelques Kabyles qui les défendaient. La marche rapide du général Deligny, et l'élan du colonel Collineau et de ses zouaves, n'ont pas laissé aux Kabyles des deux autres villages le temps de faire une résistance meurtrière.

    Le triomphe sanglant d'Ichériden et la persistance de ses défenseurs à protéger les chemins directs du Djurjura contre la division Mac Mahon, ont contribué également à la non-défense des Beni-Yenni. Justement effrayés de la défaite commune de la veille, réduits à leurs propres forces, peut-être même à leur seule réserve de combattants, les Yenni ont été dans l'impossibilité d'organiser leur défense. Les deux divisions n'ont eu à combattre que des postes isolés d'ennemis, découragés d'avance, sans cohésion et sans commandement. Le succès de cette journée, moins meurtrier et plus complet que celui d'Ichériden, est important par ses résultats matériels non moins que par son effet moral. La tribu des Yenni est vaincue. Sa soumission et celle de toutes les tribus dont le territoire et les intérêts sont liés aux siens, ne sont plus désormais qu'une question de patience et d'occupation armée. L'une des routes du Djurjura est ouverte; l'armée peut monter jusqu'au rocher même,  chez les Beni-Boudrar, sans obstacles sérieux. Comme effet moral, la défaite des Yenni est destinée à retentir dans l'Algérie tout entière. L'inaccessibilité isolée de leurs montagnes, leurs mœurs industrieuses, leur réputation de faux monnayeurs et de receleurs constants de tous les transfuges, ont rendu leur tribu comme le foyer lumineux et inviolé de l'indépendance kabyle. L'ascension de leur territoire détruit à jamais ce prestige. 

    Enfin, l'ensemble des deux succès des 24 et 25 juin, obtenus sur deux ennemis différents, forme comme le second effort de l'expédition, le second acte de la campagne qui doit pacifier l'Algérie. La soumission des Beni-Raten et l'occupation de Souk-el-Arba ont porté les premiers-coups; l'indépendance berbère en avait été comme ébranlée, mais elle était encore debout. La double défaite d'Içhériden et des Yenni est la grande défaite de la Kabylie : toutes les tribus ne sont pas soumises, mais toutes sont vaincues. L'élite de leurs guerriers a succombé dans un combat
suprême; la tribu libre par excellence ne s'est défendue qu'à peine, et son territoire est aux mains de l'ennemi; les chrétiens n'ont plus à faire qu'une marche d'un jour, une seule, pour atteindre le rocher, le grand Djurdjura lui même, ce cratère de tous les fanatismes, de tous les soulèvements et de toutes les révolutions du Nord-Afrique.

At Yanni, Beni-Yenni, histoire et légendes, 6
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Tag(s) : #At Yenni Beni-Yenni
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