"Nous les Arbres"

Dans la culture kabyle, il est interdit de couper un arbre... Quand les besoins sont jugés nécessaires et utiles : cuisson, chauffage ou construction, l’approbation, parfois l'autorisation des anciens et des connaisseurs sont obligatoires pour l'abattage ou la coupe...

Abattage d'arbres. 8 mars 1871.

Arrêté du commissaire extraordinaire abro-géant l'arrêté du 2 avril 1833 (B. G. 360). Art. 1. —

L'arrêté du 2 avril 1833, aux termes duquel il est défendu à tous propriétaires, fermiers ou colons, européens ou indigènes, d'abattre ou d'arracher, quelle que soit son essence, aucun arbre forestier ou fruitier, en plein bois ou en haie, sans en avoir préalablement fait la déclaration et obtenu l'autorisation, est et demeure abrogé.

L'homme qui plantait des arbres 

Témoignage Ali Loukkas (le 20/11/2019 Facebook)  

Un jour Da Mhand m'envoya au parc national du Djurdjura pour prélever des carottes sur des cèdres d'une certaine classe d'âge, dans le but de m'initier à la dendroécologie. Naturellement, je me suis rapproché de l'établissement chargé de la gestion de cette aire protégée. M Gaci m'avait reçu, mais a refusé ma demande de sonder les cèdres. "Vous allez les perforer et ouvrir ainsi la porte aux parasites" me disait-il.
Je retournai bredouille voir M. Messaoudène, à la station de l’INRF qui était alors à quelques encablures de Yakourène, en direction de Bougie.
Déçu par ce que je lui rapportai, il s’exclama : "Nous avons taraudé dans les grands parcs d'Europe, nous avons sondé des sujets monuments, sans jamais entraîner la mort d'un seul sujet". Puis, avec sa franchise d’où émane son courage et sa force d’agir, il conclue : «Si tu tiens à traiter ce thème, va en forêt et fait ton échantillonnage. Celui qui est contre cette technique n'a qu'à bien garder sa forêt »
Pour mon premier sujet de recherche, je ne suis pas retourné au PND car j’ai préféré travailler d’abord sur la croissance radiale chez le pin d’Alep, une comparaison entre des populations littorales (Azeffoune et Béni Ksila) et d’autres continentales (At-Wassif).
Je suis retourné plus tard au PND, dans des conditions sécuritaires dangereuses. Le village de Tikjda était déserté, toutes les infrastructures étaient abandonnées. Le matériel de ski jonchait les devants des chalets. Je me souviens de deux grandes ruches faites avec des futs de cèdre. Du miel qui n’était pas récolté depuis au moins trois ans. Je n’oublierai jamais son goût d’origan et de cèdre. J’avais toute la forêt à moi !
Quand je racontais le déroulement de mes expéditions à Da-Muhand, tout en soulignant ma folle entreprise, il ne rata pas l’occasion de pincer au passage le gestionnaire : « Dis alors à M. Gaci de t’empêcher d’échantillonner ! »
Plusieurs années après, nous nous sommes rencontrés, M. Gaci et moi lors d’une formation à Batna ou je n’ai pas raté l’occasion de lui avouer que je n’ai pas respecté sa consigne de ne pas tarauder « ses » cèdres.
« Ne me dis pas que tu l’a fait ! »