Historique du Service Géologique depuis sa création en 1883
La fondation de deux organismes de recherche, la « Commission Scientifique de l’Algérie » en 1840 et du « Service des Mines » en 1842 précédèrent la création du «Service de la Carte Géologique de l’Algérie » en 1883.
Le Service de la Carte Géologique, dont la mission première était de dresser la carte géologique de l’Algérie, a durant toute son existence à ce jour, subi plusieurs réorganisations aussi bien dans les missions qui lui ont été confiées que dans les dénominations qui lui ont été attribuées.
Période 1849 à 1962
Les travaux de la Commission Scientifique, chargée alors de l’élaboration de l’inventaire des ressources minérales du pays, ont été relayés par le Service des Mines qui publia en 1849 et 1854 deux importants volumes de la «Richesse Minérale de l’Algérie » relatifs à des descriptions méthodiques par H. Fournel consacrées aux provinces de Constantine (tome 1) et d’Alger (tome 2).
En 1852, le Service des Mines des trois provinces Alger, Oran et Constantine, reçoit la mission d’établir une carte géologique en couleur au 400.000 ème.
En 1859, un «Service Spécial » chargé de l’établissement de la carte au 400.000 ème est créé au sein du Service des Mines. Il regroupe un certain nombre de collaborateurs, Ingénieurs des Mines et Géologues auxiliaires.
Ce n’est qu’entre 1867 et 1881 que des maquettes géologiques manuscrites, dont les travaux ont été initiés en 1852, ont été établies sur le fond topographique de l’armée « Dépôt de la Guerre » au 400.000 ème et qui furent présentées à diverses expositions universelles (Carte Géologique de la province d’Oran : Paris, 1867 ; Cartes géologiques des trois provinces : Alger, Oran, Constantine : Vienne, 1873 ; Cartes Géologiques des trois provinces accompagnées de leur notice : Paris 1878).
En 1882, trente ans après la décision de 1852, vint le moment d’imprimer et de diffuser une carte géologique de l’Algérie. Le choix de l’échelle s’est porté sur le 1/800.000 ème d’après le fond topographique publié en 1876 qui permettait de représenter en deux feuilles (Oran-Alger et Constantine) les territoires de l’Algérie non saharienne. La maquette de cette carte fut présentée au Congrès de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (AFAS) tenu à Alger en 1881.
En 1883, fut créé le «Service de la Carte Géologique de l’Algérie » à Alger. Le Service de la Carte, fait dès cette époque appel à des géologues universitaires (collaborateurs). Le Service Géologique entreprit l’édition des coupures au 50.000 ème : la première feuille Thenia (ex Menerville) due à E. Ficheur parait ainsi en 1895.
De 1934 à 1941, première édition de la Carte Géologique au 500.000 ème, en six coupures spéciales (Alger-Nord et Alger-Sud en 1938 ; Oran-Nord et Oran-Sud en 1941 ; Constantine-Nord en 1934 et Constantine-Sud en 1935).
En 1952, s’est tenu à Alger le 19 ème Congrès Géologique International.
A l’occasion de ce 19 ème Congrès Géologique International, parurent:
- la seconde édition des six feuilles géologiques à 1/500 000 ème,
- deux feuilles au 2.000.000 ème d’Afrique du Nord : Maroc- Algérie de l’Ouest et Algérie -Tunisie,
- deux autres feuilles «Sahara Central » et «Sahara Occidental », en 1956 – 1957,
Jusqu’en 1962, le Service de la Carte géologique, dont le rôle d’éditeur n’a cessé d’être rempli, contribua à imprimer dans les «Publications du Service de la Carte Géologique » de nombreuses thèses de doctorat, documents à caractère général ou de synthèse, cartes géologiques régulières à différentes échelles, monographies régionales…, qui ont été mis à la disposition de jeunes géologues entamant de nouvelles études en Algérie. De 1895 à 1961 (soit en 66 ans) 105 feuilles au 50.000 ème ont été publiées.
Période 1962 à 1985
A l’indépendance, le «Service de la Carte Géologique de l’Algérie » subi une nouvelle réorganisation qui le rattache au Ministère de l’Industrie et de l’Energie, sous l’autorité de la Direction des Mines et de la Géologie (DMG) / Sous – Direction de la Géologie. Il prend alors la dénomination de «Service Géologique de l’Algérie», avec un statut de fonction publique. Il poursuit la continuité du «Bulletin Nouvelle Série / travaux des Collaborateurs » et la publication de cartes géologiques régulières à différentes échelles.
Au cours des années 70, la Société Nationale de la Recherche Minière (Sonarem) et la Société Nationale des Hydrocarbures (Sonatrach) réalisent des cartes géologiques dont elles avaient besoin pour leurs recherches respectives.
Période 1985 à 1992
En 1985, intervient une nouvelle réorganisation qui toucha le Service Géologique de l’Algérie auquel il est confié, cette fois, une nouvelle mission, la mise en place d’une Banque Nationale de Données Géologiques. Il prend alors la dénomination de «Office National de la Géologie, (ONIG) », Etablissement Public à caractère Administratif (EPA). A partir de cette date, il est mis fin au Bulletin Nouvelle série / Travaux des Collaborateurs, dont la création remonte à 1953, qui a été remplacé par deux nouvelles séries de publications : le Bulletin et les Mémoires éditées sous le sceau de l’Office National de la Géologie.
Dans ce cadre, l’Office National de la Géologie, voulant mettre en œuvre son programme de cartographie géologique au 1/500.000 ème (CGA – 500), a pris l’initiative de solliciter le secteur économique et également la communauté universitaire nationale et internationale pour participer à cette œuvre immense qui allait donner un souffle nouveau à la géologie algérienne. C’est dans cet esprit que l’ONIG organisa en 1989 et 1990 deux séminaires internationaux, regroupant des experts en matière de cartographie géologique pour évaluer le travail à faire, les modalités de réalisation, les lacunes et les études à entreprendre pour arriver à la réalisation de la 3 ème édition de la carte géologique à 1/500.000 ème.
Période 1992 à 2005
En 1992, l’Office National de la Géologie fusionne avec l’Entreprise de Recherches Minières (EREM) pour former l’«Office National de Recherches Géologiques et Minières (ORGM)» avec le maintien des mêmes missions et devient en son sein, Division du Service Géologique de l’Algérie, avec cette fois-ci un statut d’EPIC. Il assure la poursuite, sous le sceau du «Service Géologique de l’Algérie », la réalisation des levés de cartes géologiques et thématiques, l’édition du Bulletin et des Mémoires créés en 1986, et la mise en place de la Banque de Données Géologique (BNDG).
Période 2005 à ce jour
En 2005, en application de la Loi Minière du 03 juillet 2001, deux nouvelles agences sont installées, dont l’«Agence Nationale de la Géologie et du Contrôle Minier » (ANGCM) avec missions principales, la mise en place d’un «Service Géologique National » reprenant les missions du Service Géologique de l’Algérie retirées de l’ORGM.
En 2014, la loi minière n° 14-05 du 24 février 2014, institue l’Agence du Service Géologique de l’Algérie (ASGA) dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, et dont la principale mission est la gestion de l’infrastructure géologique de l’Algérie.
Grands événements du Service Géologique de l'Algérie 1840-2016
1840 : Création de la commission scientifique de l’Algérie.
1842 : Création du service des mines d'Algérie.
1872 : 1 er Bulletin : zoophytes : spongiomes.
1883: Création du Service de la Carte Géologique de l'Algérie (SCGA).
1895: Publication de la 1 ère carte géologique régulière du Nord :feuille Ménerville à 1/50 000
1934-1944 : Publication de la 1ére édition de la carte géologique de l'Algérie du Nord à 1/500.000.
1952 : Organisation à Alger (hôtel El Djazair ex Saint George) du XIX éme Congrès Géologique International (CGI) (4000 participants).
1952 : Réalisation de la 2 ème édition de la carte géologique de l'Algérie du Nord à 1/500.000.
1961 : 1 ère monographie scientifique sur les régions sahariennes.
1965 : 1 ère carte des gîtes minéraux (Alger Nord à 1/500.000).
1974-1975 : 1 ére carte géologique régulière des régions sud sédimentaires (1/200.000)
(Ahnet El Mouydir et bassin d'Illizi).
1983 : 1 ére carte géologique régulière du Hoggar (1/200.000).
1990 : Séminaire international sur le programme CGA-500
(carte géologique de l'Algérie à 1/500.000).
1992: Relance des publications scientifiques qui deviennent non-occasionnelles et classées rang"B".
2001-2003-2007-2011 : Séminaires nationaux de stratigraphie.
2005: Mise en place de l’Agence Nationale de la Géologie et du Contrôle Minier (ANGCM).
2008 – 2015: Réalisation de la carte géologique de l’Algérie à
1/2 100 00 (en cours de préparation à l’édition)
2010 : Edition provisoire de 52 minutes géologiques de la recherche minière à 1/50 000.
2010 : Réunion annuelle de l'Organisation des Services Géologiques Africains (OAGS).
2014: Création de l’Agence du Service Géologique de l’Algérie (ASGA).
2015 : Edition provisoire de 46 minutes géologiques de la recherche minière à 1/200 000
2015: Publication de la ère carte des ressources minérales de l’Algérie à l’échelle
1/ 2 100 000.
2015-2016 : Edition de nouveaux livrets des ressources minérales des Wilayas Naama, Tébessa, Tiaret, Djelfa, Biskra, El oued, M'sila, Ouargla, Tissemsilt,Ghardaïa, Bordj Bou Arreridj, Sétif, Médéa et Blida. La totalité des livrets des quarante-huit (48) wilayas seront édités en fin d’année 2016.
2016: Préparation à l’édition provisoire de 16 minutes géologiques à 1/50 000, 15 à 1/200 000 et 03 à 1/500 000 de l’ANGM/ORGM (en cours).
2016 : Préparation à l’édition provisoire de 41 minutes géologiques du nord de l’Algérie de l'ANRH à 1/200 000 (en cours).
2016 : Protection des sites géologiques remarquables de quatre (4) cratères de météorites (Tin Bider, Amguid, Telemzane / Maâdna, Ouarkziz).
Source http://www.asga.dz/histo2.html
Utile :
http://www.inct.mdn.dz/ : L'INCT est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) relevant du secteur économique du Ministère de la Défense Nationale. Crée en 1967, l'INCT a pour principales missions la production, la collecte, la recherche et le développement, la conservation et la diffusion de l'information géographique. Il apporte son concours aux diverses administrations, collectivités et organismes publics et privés.


Fortement liée au pouvoir colonial et aux services chargés de l’élaboration de la Carte géologique de l’Algérie, la géologie devient, dès la conquête de l’Algérie en 1830, un outil au service du développement économique et industriel de la métropole. Très tôt, l’élaboration de la Carte géologique de l’Algérie constitua un enjeu stratégique important pour les autorités coloniales et métropolitaines.
2Dès la conquête coloniale, le service d’état-major confie à des militaires les travaux d’élaboration de la carte géologique du pays. Puis l’étude du sol, des ressources minérales et du régime hydrologique devait prendre une large place dans l’organisation de l’enseignement supérieur et de la mise en place de l’école supérieure des sciences qui devait préfigurer la faculté des sciences de l’université d’Alger. En Algérie, les premières études géologiques et la reconnaissance des richesses naturelles du sol furent d’abord effectuées par des officiers d’état-major comme le capitaine Rozet (1840-1842). Dans son sillage, une commission scientifique – créée en 1839 et présidée par E. Renou –, est chargée de l’exploration méthodique de l’Algérie 1. Dès 1843, l’ingénieur en chef des Mines Fournel et son collaborateur Ville (à partir de 1845) prennent la suite des opérations. En 1847, les premiers articles consacrés à l’Algérie par les publications encyclopédiques signalaient l’existence de nombreux indices miniers dans l’est de l’Algérie.
3Très vite, sous l’impulsion des pouvoirs publics métropolitains et ceux en place dans la colonie, des recherches de plus en plus actives furent menées sur le terrain. Le Service des Mines – créé en 1852 –, s’offrit les compétences d’équipes constituées d’ingénieurs des Mines (Ville et Pouyanne) et d’universitaires (Coquerand et Pomel) 2.
4Des baroudeurs, tels Conrad Kilian 3 (fils de W. Kilian, alors professeur de géologie, puis doyen de la faculté des sciences de l’université de Grenoble), ou de pittoresques prospecteurs, qui sillonnaient l’Algérie « avec une paire de mulets, un marteau et une boîte d’acides », prirent également part aux études de reconnaissance. Très vite, l’originalité du milieu fut prometteuse de découvertes, préfigurant l’intérêt, jamais démenti, que lui porteront les autres géologues, archéologues et biologistes au Sahara : un milieu d’exceptionnelle originalité pour leurs disciplines.
5À Alger, à partir de 1879, faisant suite à quelques chaires isolées, une université embryonnaire commença peu à peu à voir le jour avec la création des écoles supérieures de droit, des lettres et des sciences. L’école supérieure des sciences appliquées dispensait un enseignement supérieur à peu près complet, mais n’était pas habilitée à conférer les grades habituels des facultés traditionnelles. Des universitaires géologues généralistes ou plus spécialisés en géographie physique du Sahara prirent une part active à l’élaboration de la Carte géologique de l’Algérie. Auguste Pomel joua un rôle significatif non seulement dans l’institutionnalisation et le développement de la géologie dans les milieux universitaires mais aussi dans l’organisation du Service de la Carte géologique de l’Algérie.
6Après des études à la faculté des sciences de Clermont-Ferrand et l’obtention d’un diplôme d’ingénieur civil des Mines, Pomel fut déporté en Algérie, à la suite du coup d’État du 9 décembre 1851. Installé d’abord comme colon près d’Oran (grande métropole coloniale de l’ouest de l’Algérie), il en profita notamment pour procéder à des herborisations et surtout à des études géologiques. En 1879, lors de l’organisation de l’enseignement supérieur à Alger, Pomel s’était fortement impliqué en faveur de la création des écoles supérieures. En 1880, Il fut le premier professeur nommé pour dispenser le cours de géologie et minéralogie et dans le même temps, il fut installé comme directeur de l’École supérieure des sciences jusqu’en 1891. Durant son mandat, il organisa un laboratoire de géologie, mit en place des collections en géologie et minéralogie et collabora à la Carte géologique de l’Algérie jusqu’à son décès survenu en 1898. Ses travaux géologiques donnèrent lieu à des publications peu nombreuses mais importantes, parues dans le Bulletin de la Société géologique de France. Ils permirent aux géologues de se familiariser peu à peu avec les questions intéressant l’Algérie et l’Afrique du Nord. De nombreuses études furent menées, associant des universitaires rattachés au laboratoire de géologie de l’école supérieure des sciences et des personnels du Service des Mines.
7En 1881, l’Association française pour l’Avancement des Sciences organisa à Alger son premier congrès. De nombreux universitaires venus de toutes parts y participèrent. Alger connut ainsi une affluence considérable. La carte géologique provisoire de l’Algérie, au 800 000e, fut publiée pour cet événement. Elle consacra l’association de Pomel et Pouyanne qui collaboraient ensemble depuis leur arrivée en Algérie. En juillet 1882, Pomel fit à nouveau équipe avec Pouyanne pour assurer la co-direction du Service de la Carte géologique dans les provinces d’Alger et d’Oran. En 1884, suite au décès de Tissot, il sera chargé de l’organisation du Service dans toute l’Algérie. Sous son impulsion et suite au recrutement de nombreux collaborateurs, des études stratigraphiques furent approfondies, et les travaux publiés furent mis à la disposition des personnels et des organismes susceptibles de participer à la « mise en valeur » de l’Algérie 4. Ils constituent le début de l’accumulation de collections provenant des diverses recherches et explorations inaugurées par les militaires et savants de la Commission scientifique.
8Les résultats des travaux concernant l’Algérie et l’Afrique du Nord réalisés par Pomel furent publiés dans diverses revues spécialisées 5 et notamment dans le bulletin de l’école des sciences qu’il avait créé en vue de valoriser les travaux d’application sur l’Afrique du Nord. Mais la publication de ce bulletin fut vite interrompue faute de crédits.
9Bien qu’il y ait eu une nette séparation entre l’enseignement de la géologie et l’organisation du Service des Mines, l’Université d’Alger fut de plus en plus sollicitée, au travers de la chaire et du laboratoire de géologie qui collabora très activement avec ce service rattaché aux pouvoirs publics. Des laboratoires scientifiques métropolitains participèrent au traitement des matériaux collectés sur place. C’est ainsi qu’entre 1901 et 1906, d’importants matériaux paléozoïques (fossiles primaires…) récoltés et rapportés du Sahara et de l’extrême sud oranais par de nombreux explorateurs, furent traités et déterminés sur place ou confiés pour étude à des laboratoires universitaires en métropole. C’est le cas notamment d’Émile Haug qui prit une part très active à la détermination de la connaissance de schistes qui apportèrent une contribution importante à la stratigraphie nord-africaine 6.
10Avec l’établissement du régime colonial (1870-1910), la volonté affichée d’institutionnaliser le dispositif embryonnaire d’enseignement supérieur déjà en place, ouvre à son tour de nouvelles possibilités. Très vite, l’activité scientifique, en lien avec la mise en place de nouveaux enseignements et les missions de terrain, s’organise. Les premières sociétés savantes locales sont créées dès la fin du XIXe siècle et sont, pour l’heure, très éclectiques dans leur recrutement. Toutefois, l’embryon d’université et les courants scientifiques en cours d’organisation ne constituent pas encore de matrices de formation. Ils n’ont pour l’instant ni de durée ni d’assurance et restent fortement tributaires des institutions métropolitaines. De fait, les géologues basés à Alger étaient très liés à leurs collègues parisiens travaillant dans des institutions scientifiques telle la Société de géologie ou le Museum d’histoire naturelle de Paris, l’Académie des Sciences ou l’Observatoire de Paris.
11En 1900, peu après le décès de Pomel, la direction du Service des Mines fut confiée à Charles Jacob, ingénieur en chef des Mines, assisté dans ses tâches par un autre professeur de géologie basé à l’école des sciences d’Alger, du nom de Ficheur. En 1891, en succédant à Pomel à la tête de la chaire de géologie et dont il conserva la direction jusqu’en 1923, Ficheur s’était déjà associé, dès 1883, à l’élaboration de la Carte géologique de l’Algérie. Il fut chargé de la réalisation de la partie technique des études menées dans ce cadre. Puis d’autres universitaires vinrent renforcer le noyau dur qui s’était constitué autour de Pomel puis de ses successeurs.
D’autres institutions sont créées à la même époque
12Les universitaires « algérois » se consacrent progressivement à des travaux résolument tournés vers la recherche appliquée au terrain algérien, voire régional 7 et en lien direct avec la mise en valeur de la colonie. Ils n’en conservent pas moins des liens étroits avec des institutions matricielles de la métropole dont elles restent dépendantes.
13Les activités se professionnalisent au fur et à mesure de l’arrivée à Alger de nouveaux universitaires et surtout de l’institutionnalisation de l’Université. En 1909, l’université d’Alger et ses quatre facultés sont créées après d’âpres débats autour du statut des écoles supérieures instaurées à Alger à la fin du XIXe siècle 8. D’emblée, cette université, la seule et pour longtemps la plus importante de l’empire français, fut établie sur le modèle des universités métropolitaines : elle prenait rang de pair parmi elles. Un flux d’universitaires commença d’arriver en Algérie. Quelles qu’aient pu être leurs motivations, des personnalités scientifiques avancées dans leur carrière, ou de jeunes scientifiques en début de carrière, n’hésitèrent pas à quitter leurs chaires ou leurs laboratoires pour venir s’installer et exercer à Alger. L’établissement de chaires encouragea la formation de petits groupes de spécialistes, en différentes branches. La géologie en tant que discipline phare y occupait déjà une place de choix. Les professeurs venus de métropole formèrent de jeunes disciples, essentiellement recrutés au sein de la population européenne car l’université coloniale ne comptait au début de sa création que 8 étudiants musulmans (exclusivement en médecine et pharmacie) sur les 1398 qui effectuèrent les rentrées universitaires 1911-1919 et cette proportion n’allait guère s’améliorer dans la période suivante 9.
14D’autres universitaires métropolitains séjournaient à Alger de manière plus ou moins longue, s’associant aux missions scientifiques organisées en Algérie ou au Maroc. Ainsi, entre 1902 et 1904, Brives, professeur de géologie à la faculté des sciences de l’université d’Alger, organisa trois missions exploratoires successives au Maroc. C’est également le cas de Pierre Termier, polytechnicien formé tardivement à la géologie. Au cours de ses travaux géologiques, l’Afrique du Nord retint très rapidement son attention et fit l’objet des notes qu’il expose de 1906 à 1908 10.
15L’Algérie devenait ainsi un tremplin pour les carrières académiques et scientifiques de plusieurs universitaires. Quelques uns de ceux-ci furent déjà promus professeurs dans le cadre des écoles de 1879 11 et confirmés dans le nouveau cadre universitaire 12. Certains, arrivés à Alger comme chargés de cours, feront toute leur carrière à l’université d’Alger. Parmi eux, Flamand, qui fit sa carrière à Alger de 1891 à 1919 ou Brives de 1907 à 1928.
16Très tôt, les enseignements dispensés dans le cadre de cours magistraux et la recherche effectuée dans les laboratoires, soulignent l’orientation résolument appliquée et régionale dans laquelle la faculté s’est engagée, encouragée et soutenue par les pouvoirs publics locaux. En 1911, est créée au sein de faculté des sciences la chaire de géographie physique du Sahara et celle de minéralogie appliquée, suivie, en 1920, de la chaire de géologie appliquée à l’agriculture et à l’industrie.
17Parallèlement, d’autres spécialistes que les universitaires sont également « importés ». Tout aussi professionnels et pénétrés de leur propre modèle, ils sont ingénieurs géologues prospecteurs, formés dans les écoles d’ingénieurs françaises pour les colonies, résolument tournés vers la réponse aux besoins économiques de la métropole et des gouvernements locaux. L’enjeu est de taille, favorisé par la découverte annoncée des gisements pétrolifères et gaziers dans le Sahara. Ils vont occuper des fonctions techniques importantes dans les services des mines de la colonie. Certains mèneront sur place des carrières entières 13. Ils font vite preuve de savoir-faire si efficaces qu’ils prennent parfois le dessus, dans l’esprit du gouvernement et du public, sur les géologues universitaires. Mais les uns et les autres travaillent en complémentarité sur ordre des pouvoirs publics qui ne peuvent se passer ni des connaissances et de l’expertise scientifique ni des compétences techniques des ingénieurs et techniciens affiliés. L’esprit de « mise en valeur » de la colonie et les enjeux multiples qui lui sont liés, suscitent un souci partagé de normes professionnelles.
18Après l’indépendance de l’Algérie, certains géologues français restés sur place ont pu ainsi assurer la transition et contribuer à la formation d’universitaires algériens qui devaient ensuite prendre le relais et poursuivre une collaboration avec leurs pairs. Les travaux qui suivront, prendront une nouvelle direction orientée vers les sciences de la terre, proposant de nouveaux champs d’études pluridisciplinaires et d’application pour le développement économique et social de l’Algérie.
Notes
Pour citer cet article
Yamina Bettahar, « La géologie en Algérie (1880-1940) », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 18 | 2007, mis en ligne le 03 octobre 2009, consulté le 19 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/histoire-cnrs/4531
Cet article est cité par
- (2011) Geology of North Africa. DOI: 10.1201/b11419-28
- Romera-Lebret, Pauline. Verdier, Norbert. (2016) Faire des sciences en Algérie au xixe siècle : individus, lieux et sociabilité savante. Philosophia Scientae. DOI: 10.4000/philosophiascientiae.1178
Droits d’auteur
Comité pour l’histoire du CNRS